Bien évidemment, la
contradiction n’est pas dans la nature, mais dans notre volonté
de constituer
des catégories dans un ensemble continu. Cela est encore plus
clair si l’on
introduit la dimension du temps. Les individus actuels rangés
dans une certaine
espèce, descendent d’individus qui les ont
précédés et que, en toute logique,
on doit ranger dans la même espèce. C’est d’ailleurs ce
que font les
paléontologistes qui, dans les sédiments récents,
retrouvent en quantité des
fossiles pouvant sans difficulté se ranger, en fonction de
critères
majoritairement morphologiques, dans des espèces connues
vivantes. Mais, si
l’on remonte dans le temps, on constate que ces formes fossiles se
différencient de plus en plus des formes actuelles. Lorsque les
différences les
font par trop s’écarter du domaine de variabilité d’une
espèce actuelle, le
paléontologiste estime justifié de définir (il dit
créer) une autre espèce.
Cela rappelle, dans le domaine temporel, ce que l’on a dit plus haut
des
variétés géographiques dans le domaine spatial.
Utile sur le plan pratique,
cette distinction spécifique est évidemment difficile
à justifier sur le plan
théorique car elle effectue ici des coupures arbitraires dans la
continuité des
générations. D’ailleurs il est clair, si l’on suit les
idées transformistes,
qu’en remontant dans le temps, des individus actuels appartenant
à deux espèces
distinctes vont avoir des parents communs : où commencent
alors et où
finissent les espèces ?
On ne peut
évidemment pas aujourd’hui renoncer à cette notion
d’espèce, qui a une
signification biologique et une utilité pratique, mais on peut
supposer que les
progrès de la biologie moléculaire, qui nous permettent
de remonter à
l’intimité même du patrimoine génétique de
chaque individu, viendront
introduire une vision plus nuancée et plus complexe de la
classification des
êtres vivants.
La vie est une
notion abstraite que l’on ne peut définir que comme étant
l’ensemble des
propriétés particulières aux êtres vivants.
Mais comment définir les êtres
vivants ? Compte tenu de ce que l’on vient de dire, des
difficultés sont à
attendre (…)
(…) Peut-on risquer
une définition de la vie ? Pour ce que nous en savons, la vie
est la propriété
d’individus qui naissent, étant engendrés par des
individus auxquels ils
ressemblent, ont pendant un certain temps des échanges
d’énergie et de matière
avec l’extérieur, sont eux-mêmes susceptibles d’engendrer
des individus qui
leur ressemblent, puis cessent d’avoir des échanges avec
l’extérieur et
meurent. Il nous semble aujourd’hui
que ces êtres, quel que soit leur degré d’organisation,
sont tous
parents ; qu’il n’existe, pour eux, qu’un seul arbre
généalogique et que,
par ses branches il y a toujours un chemin, si compliqué
soit-il, qui mène d’un
être à un autre.
Tous les êtres
vivants que nous connaissons comportent, comme constituants essentiels,
de
longues molécules carbonées et cette
propriété pourrait être considérée
comme
une des caractéristiques de la vie. Mais on ne peut exclure que,
dans des
conditions différentes de celles de la Terre, un
élément autre que le carbone
(on a parlé du silicium) ait pu servir à constituer des
chaînes comparables aux
molécules organiques ayant joué un rôle identique
dans la construction d’autres
ensembles qu’il faudrait bien appeler vivants. Pour l’heure cette
hypothèse est
du domaine de la science-fiction.