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    Pour ce que l'on en sait aujourd'hui, la vie n'existe que dans un seul lieu de l'univers : la Terre. Peut-être est-elle présente ailleurs. Certains le croient. Et il est vrai qu'à seulement contempler les étoiles dont beaucoup sont des soleils comme le nôtre et autour desquels peuvent graviter des planètes comme la nôtre on trouve étrange que celle-là seule soit habitée.
    Que la vie ait pris naissance sur la Terre ou qu'elle y ait été importée, le fait qu'elle s'y soit développée est sans doute lié à la situation de notre planète. Ni trop près ni trop loin du Soleil, elle n'est ni brûlante ni glacée, ce qui y permet l'existence de deux fluides essentiels : l'air et l'eau.
    L'air, mélange de plusieurs gaz, est avant tout, pour la plupart des êtres vivants, un fournisseur d'oxygène qui sert à leur respiration (même si il n'est pas nécessaire à la vie, comme on le verra au chapitre 9), c'est à dire à la combustion de carbone, donc, en définitive, à la production d'énergie. Cet air constitue l'atmosphère, milieu qui a été colonisé par les animaux et les végétaux aériens. Il forme une couche protectrice autour de la Terre, sorte de couverture qui garde la chaleur et, grâce à l'ozone qu'il contient en altitude, filtre les ultraviolets solaires.
    L'eau, sous sa forme liquide, forme un milieu où les échanges chimiques sont aisés parce que beaucoup de corps s'y dissolvent et prennent alors une forme ionisée très active chimiquement. Les premières grandes étapes de l'évolution du monde vivant se sont effectuées dans l'eau à l'abri des ultraviolets. Lorsque des êtres en sont sortis pour conquérir les continents et les espaces aériens, ils n'ont pu se passer de cette eau qui joue toujours un rôle fondamental au cours de leur existence : la sève parcourt les plantes, le sang et la lymphe circulent dans les vaisseaux des animaux, des liquides gonflent les tissus vivants, permettent le déplacement des cellules reproductrices, baignent les embryons.  Presque toute l'eau du globe est stockée dans les océans qui constituent un énorme réservoir régulateur d'une part pour beaucoup de substances qui y sont dissoutes, et d'autre part pour la chaleur échangée  avec l'atmosphère.
    C'est donc essentiellement dans ces deux milieux, l'air et l'eau, que les êtres vivants se sont développés. Mais ces milieux sont changeants, et, au cours des temps, les êtres vivants ont dû s'adapter à ces changements. Il en résulte que les contraintes imposées par ces milieux ont été un facteur fondamental du contrôle de l'évolution du monde vivant. Jusqu'à quel point des adaptations sont-elles capables de répondre à ces contraintes ? Autrement dit quelles sont les limites de la vie sur notre planète ? On ne sait pas répondre précisément à cette question, mais on sait que le monde vivant a été confronté à des crises très graves dont il est sorti victorieux, mais pas intact.
(Extrait du chapitre 1 : Qu'est-ce que le climat ?)


    Dominé par des montagnes couronnées de glaciers, un monument de bronze s'élève sur une place de Chamonix, dans les Alpes françaises. Deux hommes y sont représentés. L'un, jeune, tient dans la main gauche un long bâton sur lequel il s'appuie et, de son bras droit tendu, désigne un sommet. L'autre, plus âgé, très droit, coiffé d'une perruque comme on en portait il y a deux siècles, regarde avec résolution dans dans la direction indiquée. Le premier personnage est Jacques Balmat, le second Horace Benedict de Saussure, le sommet, c'est le Mont Blanc.
    De Saussure, né à Conches, près de Genève, en 1740, connaissait bien les montagnes alpines pour lesquelles il avait une vraie passion. On peut en juger d'après ce qu'il écrit dans le premier volume de ses "Voyages dans les Alpes", paru en 1779 (p. X) : "A l'âge de 18 ans, j'avais déjà parcouru plusieurs fois les montagnes les plus voisines de Genève. (...) En 1760, j'allais seul et à pied, visiter les glaciers de Chamouni (sic) peu fréquentés alors, et dont l'accès passait même pour difficile et dangereux. J'y retournais l'année suivante, et dès lors je n'ai pas laissé passer une seule année sans faire de grandes courses et même des voyages pour l'étude des montagnes. Dans cet espace de temps, j'ai traversé quatorze fois la chaîne entière des Alpes par huit passages différents; j'ai fait seize autres excursions jusques au centre de cette chaîne; j'ai parcouru le Jura, les Vosges, les montagnes de la Suisse, d'une partie de l'Allemagne, celles de l'Angleterre, de l'Italie, de la Sicile et des îles adjacentes; j'ai visité les anciens volcans de l'Auvergne, une partie de ceux du Vivarais, et plusieurs montagnes du Forez, du Dauphiné et de la Bourgogne. J'ai fait tous ces voyages le marteau du mineur à la main..."
Mais le couronnement de ses voyages incessants a été son ascension du mont Blanc.
(Extrait du chapitre 5 : les changements du climat)


    Il a fallu attendre 50 ans pour avoir une idée de l'énorme importance que les avancées glaciaires pouvaient avoir eu dans le passé. Un problème géologique d'alors était d'expliquer la présence dans la plaine suisse et sur une partie du Jura de blocs rocheux de plusieurs mètres cubes dont la nature indiquait à coup sûr une provenance alpine (fig. 22). L'imagination des géologues s'épuisait en hypothèses dans lesquelles intervenaient généralement des flots torrentiels ayant dévalé les massifs alpins.
    C'est à un jeune géologue suisse, Louis Agassiz, né en 1807 à Motiers, au bord sud-est du Jura, déjà connu pour ses travaux paléontologiques notamment sur les poissons fossiles, que revient l'honneur d'avoir attaché son nom à la résolution de ce problème. Agassiz s'était passionné pour l'étude des glaciers. La source de cet intérêt, il faut la trouver dans la communication du géologue de Charpentier (Notice sur la cause probable du transport des blocs erratiques de la Suisse) qu'il entendit en 1834 à la Société helvétique des sciences naturelles. De Charpentier, faisant état de ses observations et de celles d'un collègue et ami J. Venetz ainsi que d'un "bon et intelligent montagnard nommé Jn. Pr. Perraudin, passionné chasseur de chamois encore vivant au hameau de Lourtier dans la vallée de Bagnes", prétendait que les glaciers alpins s'étaient jadis très largement étendus dans la haute vallée du Rhône et avaient même occupé tout l'espace entre les Alpes et le Jura, les blocs erratiques étant des restes de moraines témoins de cette extension.
    Pas plus que les autres membres de l'auditoire, Agassiz n'avait été convaincu par les idées de Charpentier, mais, ayant sympathisé avec lui, il vint passer cinq mois dans son village près de Bex, en 1836, pensant secrètement lui démontrer qu'il se trompait. Il en revint, au contraire, si bien converti qu'il se fit rapidement le porte-parole de ces nouvelles idées et les  exposa en 1837 dans le discours d'ouverture de la Société helvétique des sciences naturelles dont, à 30 ans, il venait d'être élu président. Faisant, dans ce que l'on a appelé plus tard le "discours de Neuchâtel", la synthèse des observations de ses collègues et des siennes, il démontrait que l'extension des glaciers avaient été sans commune mesure avec leur actuelle répartition et concluait à l'existence, dans le passé d'un "âge de la glace" (Eiszeit) au cours duquel le climat était considérablement plus froid qu'aujourd'hui. Ces travaux, qui marquent la prise de conscience de l'existence au cours des temps géologiques de grandes modifications climatiques, peuvent être considérés comme l'acte de naissance de la paléoclimatologie.
(Extrait du chapitre 5 : les changements du climat)