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Buffon et l’âge de la Terre

    Pendant très longtemps, nous avons été incapables de dater les roches et, d’une façon générale d’avoir une idée précise de l’âge de la Terre et des événements qui s’y sont déroulés. Un des premiers essais de calcul de cet âge a été, courageusement, fait par Buffon (1707-1788). Il reposait sur l’idée que la Terre avait été jadis une boule de feu qui, peu à peu, s’était refroidie pour donner le globe tiède sur lequel nous vivons.

    Buffon, qui était intendant du Jardin des Plantes eut, sur le tard, une autre occupation : ses forges de Montbard. Ce n’était pas un pur esprit et il n’avait pas édifié ses forges pour la recherche scientifique mais pour qu’elles lui rapportent, ce qui, semble-t-il, n’a pas été le cas. Cependant, c’était un esprit curieux qui sut distraire, du seul profit espéré, la part qu’il fallait pour satisfaire son désir de connaître. Il fit tirer de sa forge du fer aussi pur que possible et en fit confectionner des boules de toutes tailles, les fit chauffer à blanc puis mesura le temps pour qu’elles refroidissent à la température de la cave, c’est-à-dire de la Terre. Il en tira une loi qui reliait le temps de refroidissement de la boule à sa taille. Cette loi, connaissant la taille de la Terre, lui permit de calculer le temps que cette dernière aurait mit pour se refroidir depuis sa formation. Comme la Terre n’est pas du fer, il fit façonner d’autres boules de métaux divers, de marbre et d’argile. Il pratiqua ainsi une multitude d’expériences de physique. Tout cela pour aboutir au résultat suivant : la Terre aurait 75 000 ans.

    La méthode utilisée par Buffon nous semble aujourd’hui très loin de refléter l’évolution thermique de la Terre, en particulier parce que les matières radioactives qu’elle contient en entretiennent la chaleur. Il n’est donc pas étonnant que la durée qu’il donne nous paraisse ridiculement courte par rapport à celle que nous admettons actuellement : presque 5 milliards d’années. Mais, pour courte qu’elle nous paraisse, cette durée était très choquante pour l’époque où le poids de l’église obligeait à admettre la chronologie biblique qui, selon l’archevêque Usher, faisait remonter la création à 4004 ans avant J.C. Pourtant, Buffon jugeait lui-même la durée qu’il avait calculée trop courte au regard de ce qu’il estimait nécessaire au dépôt des couches de sédiments et au temps qu’il avait fallu pour les changer en roche.

    On sait sa pensée parce que l’on a gardé ses manuscrits sur ce point, documents rescapés, car habituellement il les brûlait. Ces manuscrits comportent des évaluations beaucoup plus longues, qui vont jusqu’à presque 3 millions d’années. Redoutant sans doute le scandale, car il avait déjà eu affaire à la Sorbonne qui, jugeant son “ Histoire naturelle ” peu catholique, l’avait contraint à de pénibles protestations d’orthodoxie, il les garda pour lui, pensant, comme il l’avait écrit à un intime, qu’il “ valait mieux être plat que pendu ”. Déjà Rabelais disait soutenir ses idées “ jusques au feu, exclusivement ”.